Même si notre modèle d’écriture se déroule de la gauche vers la droite et que la main gauche n’est pas la plus favorable pour écrire de gauche à droite comme dans notre écriture, il n’y a pas de raison particulière pour que les gauchers souffrent plus de dysgraphie que les droitiers.
Contrairement aux idées reçues, particulièrement répandues en maternelle et en CP, un gaucher tenant correctement son stylo ne cache pas son écriture avec sa main, et peut voir ce qu’il écrit. La main, qui devrait se trouver sous la ligne d’écriture, n’a pas de raison d’étaler l’encre déposée sur le papier.
Suivant ce constat, que faire pour que les élèves gauchers apprennent à écrire dans les meilleures conditions?
Première chose, un enfant gaucher a le droit d’écrire de la main gauche. Encore faut-il être sur qu’il soit vraiment gaucher, ce qui est beaucoup moins évident qu’il n’y paraît, même pour des spécialistes en graphopédagogie. Il est donc utile, pour tout enfant gaucher en difficulté avec l’écriture, de procéder à un test de latéralité.
Si par le passé on contrariait les gauchers au CP pour qu’ils écrivent de la main droite, on ne reprend aujourd’hui plus jamais un enfant qui écrit de la main gauche lors de l'écriture, même s’il utilise sa main droite pour tout autre geste de la vie courante. Bien évidemment, si tout le monde a la capacité d’écrire avec l’une ou l’autre de ses mains, il bien plus facile d’écrire avec sa main dominante, et les enfants qui n’écrivent pas avec leur “bonne main” (quelle qu’en soit la raison) ont besoin de plus de temps pour écrire correctement et ont plus de risques de rencontrer des difficultés.
Si l’enfant s’avère être un vrai gaucher, il faut lui apprendre à utiliser au mieux sa main dominante et à adopter la meilleure position possible pour écrire. Dans le cas contraire, s’il n’est pas réellement gaucher ou si un doute persiste, il est utile d’aider l’enfant à écrire de la main droite également, afin de lui permettre de choisir au final la main qui lui sera la plus favorable.
Conseils de bon sens, et ce qu’il ne faut pas faire :
Ne pas laisser un jeune gaucher prendre de mauvaises habitudes : sa main doit rester dans l’axe de son bras. Ces habitudes doivent être mise en place dès l’apprentissage de l’écriture en maternelle et au CP.
Ne pas lui demander de mettre sa feuille bien droite. Au contraire, il faut lui demander d’incliner sa feuille dans l’axe du bras qui écrit, voire même un peu plus encore. Sinon, impossible pour lui de mettre la main sous la ligne.
Ne pas lui imposer de mettre sa feuille bien devant lui. Lui expliquer de mettre sa feuille légèrement sur sa gauche. En effet, quand le gaucher écrit, son bras se rapproche de son corps, ce qui bloque le geste. Déplacer la feuille à gauche permet de gagner un peu d’amplitude de mouvement.
Ne pas mettre le gaucher à droite d’une table, mais à gauche, afin qu’il ne soit pas gêné par son voisin (sauf si ce sont deux gauchers à la même table, évidemment).
Ne pas le laisser tenir son crayon n’importe comment : la tenue du crayon est la même pour un gaucher que pour un droitier. Le crayon doit être tenu entre le pouce et la première articulation du majeur, l’index reposant souplement sur le crayon.
Ne jamais forcer l’enfant. On n’apprend pas à tenir son crayon correctement par la contrainte. La bonne position est adoptée parce qu’elle est justement bonne, confortable et efficace. En cas de souci persistant avec la tenue de crayon, mieux vaut faire appel à un graphopédagogue qui par son expérience et sa position d’intervenant extérieur sera en mesure d’agir efficacement et rapidement sans forcer l’enfant.
Une petite infographie sur la posture à adopter pour bien écrire lorsqu'on est gaucher est disponible sur mon site en téléchargement sur la page des documents pédagogiques.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
une étude ancienne (1948), mais fort intéressante l’enfant gaucher (Rudinesco et Thyss)
la tenue du crayon pourquoi c'est important?
la longévité des gauchers est elle différente de celles des droitiers?
Et pour ceux et celles qui sont intéressés et veulent en savoir plus sur les adaptations de l'enseignement de l'écriture pour les gauchers, il m'arrive d'organiser régulièrement des formations en Visio-conférence sur ce sujet (et d'autre) en général le mardi soir à 20h30. Regardez les dates sur la page formation. Vous y trouverez un module spécifiquement consacré à la tenue de crayon et à la posture, mais furetez il y a plein d'autres thèmes de formation sur l'enseignement de l'écriture.
Un peu de Bibliographie :
Ajuriaguerra : Les gauchers – PUF, 1963
Auzias : Enfants gauchers, enfants droitiers – Delachaux 1975
Azemar G : La latéralité chez l’enfant et l’adolescent – Editions universitaires, Paris, 1969
Cady S : Latéralité et image du corps – Paidos, 1988
Calza A et Contant M : L’unité psychosomatique en psychomotricité – Collection Psycho- thérapies Corporelles, Masson, 1989
Dailly R Moscato M : Latéralisation et latéralité chez l’enfant, Mardago, Bruxelles, 1984
Dolto F : L’image inconsciente du corps – Seuil, 1984
Dupasquier M.A : Les gauchers du bon côté – Hachette, Paris, 1987
Fagard J. : Développement des habiletés de l ’enfant : coordination bimanuelle et latéralité. Paris, CNRS éditions, 2001
Fritsch W : La gauche et la droite, vérités et illusions du miroir – Flammarion, 1967
Gardner M : L’univers ambidextre – Seuil, Paris, 1985
Gribenski A : La posture et l’équilibration – PUF, 1973
Haag G : La mère et le bébé dans les deux moitiés du corps – Revue de Neuropsychiatrie de l’enfance, 33, 1985
Hatwell Y : Toucher l’espace – Presses Universitaires de Lille 1986
Hecaen H : La dominance cérébrale. Une anthologie – Paris, Mouton, 1978
Le Boulch J : Vers une science du mouvement humain – Introduction à la psychocinétique – ESF 1982
Lurçat L : L’enfant et l’espace – PUF, 1973
Marrion J : L’organisation générale de la motricité – La revue du praticien, Paris 59, 1980.
Sami Ali : Corps réel – corps imaginaire – DUNOD 1984
Sami Ali : Le corps, l’espace et le temps – Dunod 1990
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